sábado, 1 de octubre de 2011

El cuento y la novela (textos de B. Eichenbaum y M. Bakhtine)



 1. Fragmentos del artículo de Boris Eichenbaum « Théorie de la prose » (1925), publicado en Todorov, Tzvetan (comp.), Théorie de la littérature. Textes des Formalistes russes, Paris, Seuil, 1965 [2001] :

  •       « Le roman et la nouvelle ne sont pas des formes homogènes, mais au contraire des formes profondément étrangères l’une à l’autre. C’est pourquoi ils ne se développent pas simultanément, ni avec la même intensité, dans une même littérature. Le roman est une forme syncrétique* (peu importe s’il s’est développé directement à partir du recueil de nouvelles, ou s’il s’est compliqué en intégrant des descriptions de mœurs) ; la nouvelle est une forme fondamentale, élémentaire (ce qui ne veut pas dire primitive). Le roman vient de l’histoire, du récit de voyages ; la nouvelle vient du conte, de l’anecdote. » (p. 206)

  •          « Tout dans la nouvelle comme dans l’anecdote tend vers la conclusion. La nouvelle doit s’élancer avec impétuosité, tel un projectile jeté d’un avion pour frapper de  sa pinte et avec toutes ses forces l’objectif visé. » (p. 206)

  •  « Short story est un terme qui sous-entend toujours une histoire et qui doit répondre à deux conditions : les dimensions réduites et l’accent mis sur la conclusion. Ces conditions créent une forme qui, dans ses buts comme dans ses procédés, est entièrement différente de celle du roman. » (p. 206)

  •         « Ce sont d’autres facteurs qui jouent un rôle primordial dans le roman, à savoir la technique utilisée pour ralentir l’action, pour combiner et souder les éléments hétérogènes, l’habileté à développer et à lier des épisodes, à créer des centres d’intérêt différents, à mener des intrigues parallèles, etc. » (p. 206)
  • « C’est pourquoi il est naturel qu’une fin inattendue soit un phénomène très rare dans le roman (et si on la trouve, elle ne témoigne que de l’influence de la nouvelle) : les grandes dimensions et la diversité des épisodes empêchent un tel mode de construction, tandis que la nouvelle tend précisément vers l’inattendu du final où culmine ce qui le précède. Dans le roman, une certaine pente doit succéder au point culminant, tandis que dans la nouvelle, il est plus naturel de s’arrêter au sommet que l’on a atteint. On comparera le roman à une  longue promenade à travers des lieux différents, qui suppose un retour tranquille : la nouvelle à l’escalade d’une colline, ayant pour but de nous offrir la vue qui se découvre depuis cette hauteur. » (pp. 206-207)


  • Quienes estén interesados en la forma cuentística pueden leer también las "Tesis sobre el cuento" del escritor argentino Ricardo Piglia.

2. Fragmentos del libro de Mikhaïl Bakhtine Esthétique et théorie du roman (1975), Paris, Gallimard, 2001 :

  •         « Le roman permet d’introduire dans son entité toutes espèces de genres, tant littéraires (nouvelles, poésies, poèmes, saynètes) qu’extra-littéraires (études de mœurs, textes rhétoriques, scientifiques, religieux, etc.). En principe, n’importe quel genre peut s’introduire dans la structure d’un roman, et il n’est guère facile de découvrir un seul genre qui n’ait pas été, un jour ou l’autre, incorporé par un auteur ou un autre. Ces genres conservent habituellement leur élasticité, leur indépendance, leur originalité linguistique et stylistique. » (p. 141)


  •  « Le roman, pris comme un tout, c’est un phénomène pluristylistique, plurilingual, plurivocal. L’analyse y rencontre certaines unités stylistiques hétérogènes, se trouvant parfois sur des plans linguistiques différents et soumises à diverses règles stylistiques. » (p. 87)

  •      « L’originalité stylistique du genre romanesque réside dans l’assemblage de ces unités dépendantes, mais relativement  autonomes (parfois même plurilingues) dans l’unité suprême du ‘tout’ : le style du roman, c’est un assemblage de styles ; le langage du roman, c’est un système de ‘langues’ ».


  •    « Le roman c’est la diversité sociale de langages, parfois de langues et de voix individuelles, diversité littérairement organisée. Ses postulats indispensables exigent que la langue nationale se stratifie en dialectes sociaux, en maniérismes d’un groupe, en jargon professionnels, langages des genres, parler des générations, des âges, des écoles, des autorités, cercles et modes passagères, en langages des journées (voire des heures) sociales, politiques (chaque jour possède sa devise, son vocabulaire, ses accents) ; chaque langage doit se stratifier intérieurement à tout moment de son existence historique. Grâce à ce plurilinguisme et à la plurivocalité qui en est issue, le roman orchestre tous ces thèmes, tout son univers signifiant, représenté et exprimé ». (p. 88) 



·         Nuevos textos teóricos aparecerán en este sitio durante las próximas semanas.



* Syncrétique : qui forme un ensemble perçu globalement. Syncrétisme : combinaison relativement cohérente, mélange de doctrines, de systèmes. / Fusion de deux éléments culturels, religieux différents.