Fragmentos de G. Genette, Palimpsestes, Paris, Seuil, 1982:
Architextualité. « Il s’agit ici d’une
relation tout à fait muette, que n’articule, au plus, qu’une mention
paratextuelle (titulaire, comme dans Poésies,
Essais, le Roman de la Rose, etc., ou, le plus souvent,
infratitulaire : l’indication Roman,
Récits, Poèmes, etc., qui accompagne le titre sur la couverture), de pure
appartenance taxinomique. Quand elle est muette, ce peut être par refus de
souligner une évidence, ou au contraire pour récuser ou éluder toute
appartenance. Dans tous les cas, le texte lui-même n’est pas censé connaître,
et par conséquent déclarer, sa qualité générique : le roman ne se désigne
pas explicitement comme roman, ni le poème comme poème. Encore moins peut-être
(car le genre n’est qu’un aspect de l’architexte) le vers comme vers, la prose
comme prose, le récit comme récit, etc. Á la limite, la détermination du statut
générique d’un texte n’est pas son affaire, mais celle du lecteur, du critique,
du public, qui peuvent fort bien récuser le statut revendiqué par voie de
paratexte : ainsi dit-on couramment que telle « tragédie » de
Corneille n’est pas une vraie tragédie, ou que le Roman de la Rose n’est pas un roman. Mais le fait que cette
relation soit implicite et sujette à discussion (par exemple : à quel
genre appartient la Divine Comédie ?)
ou à fluctuations historiques (les longs poèmes narratifs comme l’épopée ne
sont plus perçus aujourd’hui comme relevant de la « poésie », dont le
concept s’est peu à peu restreint jusqu’à s’identifier à celui de poésie
lyrique) ne diminue en rien son importance : la perception générique, ou
le sait, oriente et détermine l’ « horizon d’attente » du lecteur, et
donc la réception de l’œuvre. » (p.12).
Paratextualité. « […] la relation […]
que, dans l’ensemble formé par une œuvre littéraire, le texte proprement dit
entretient avec ce que l’on ne peut guère nommer que son paratexte : titre, sous-titre, intertitres ; préfaces,
post-faces, avertissements, avant-propos, etc. ; notes marginales,
infrapaginales, terminales ; épigraphes ; illustrations ; prière
d’insérer, bande, jaquette, et bien d’autres types de signaux
accessoires… » (p. 10).
Intertextualité. « […] une relation de
coprésence entre deux ou plusieurs textes, c'est-à-dire, […], la présence
effective d’un texte dans un autre. Sous sa forme la plus explicite et la plus
littérale, c’est la pratique de la citation
(avec guillemets, avec ou sans référence précise) ; sous une forme moins
explicite et moins canonique, celle du plagiat
chez Lautréamont, par exemple, qui est un emprunt non déclaré, mais encore littéral ; sous forme encore moins
explicite et moins littérale, celle de l’allusion,
c'est-à-dire d’un énoncé dont la pleine intelligence suppose la perception d’un
rapport entre lui et un autre auquel renvoie nécessairement telle ou telle de
ses inflexions, autrement non recevable : ainsi, lorsque Mme. Des Loges,
jouant aux proverbes avec Voiture, lui déclare : « Celui-ci ne vaut
rien, percez-nous-en d’un autre », le verbe percer (pour « proposer ») ne se justifie et ne se
comprend que par le fait que Voiture était fils d’un marchand de vin. »
(p. 8).